Politique étrangère : à la recherche d’une voix commune
Adrien Rosier
Etudiant en M1 Droit des affaires et fiscalité – Prépa DJCE
Institut de droit et d’économie des affaires – Université Jean Moulin Lyon 3
L’Europe de la défense, voici une thématique aussi ancienne qu’actuelle, une matière où l’Union européenne obtient le titre des Etats désunis d’Europe pour reprendre l’expression employée par Coralie Delaume (Coralie Delaume, Europe, Les Etats désunis, Michalon, 2014, Paris). En perdant le Royaume-Uni, l’Union perd une partie de sa force opérationnelle. Alliés de longue date, ils n’hésitaient pas à soutenir la France dans différents conflits notamment au Moyen-Orient et au Sahel. Quant aux autres, l’Allemagne, la Belgique et d’autres apportent leur soutien « logistique » ou « opérationnel » à certaines opérations sans pour autant réellement intervenir dans les conflits armés. L’absence de représentation commune et de soutien commun, de fait, fragilise la voix de ceux qui interviennent (la France en premier lieu) qui ont de la peine à légitimer leurs interventions. Sans réelle coordination, les interventions sporadiques de certains ébranlent parfois l’Union tant les intérêts peuvent diverger. Par exemple, si la France a toujours été très active sur le continent africain du fait de son histoire, tel n’est pas le cas d’autres pays qui n’y voient aucun intérêt. Cependant, la question de l’intérêt de l’Union européenne et de sa position face aux menaces extérieures est primordiale, surtout dans une ère où le terrorisme est au centre de toutes les préoccupations. Si le renforcement du dispositif Frontex est un pas en avant, il manque toutefois à l’Union une voix commune qui poserait la ligne directrice de la politique extérieure. Ce ministre des affaires étrangères européen ou peu importe son qualificatif devrait être renforcé par une armée commune. Le développement de l’A400M, avion militaire européen ayant vocation à servir dans une pluralité d’Etats avait posé les bases pour cette armée commune. Il faut néanmoins constater qu’aujourd’hui telle armée n’existe pas et cette coopération militaire a été quelque peu balayée par la décision de la Belgique (tout comme l’Italie ou les Pays-Bas) d’acquérir des avions de chasse F-35 américains plutôt que des Rafales de chez Dassault Aviation ou des Typhoon de chez Eurofighter (Airbus) (https://fr.reuters.com/article/companyNews/idFRL8N1X571V).
Le constat est donc plutôt morose. La volonté d’Emmanuel Macron d’élever la question de cette défense commune au rang des priorités peine à convaincre. La création d’un poste de Ministre de la Défense et des Affaires étrangères européen pourrait contribuer à donner une meilleure visibilité sur à la politique extérieure de l’Union. Quant à l’armée commune, elle pourrait soit résulter d’accords entre les différents corps armés des Etats-membres, ou bien naître de la volonté des pays ce qui serait certainement trop onéreux pour le budget de l’Union. La question se porterait alors davantage sur le budget de cette armée et sur son rôle : devrait-elle seulement avoir pour but de protéger l’Union contre les menaces extérieures ou bien davantage avoir un rôle interventionniste ? Cette question va de pair avec la place de l’UE au sein des instances internationales. L’UE pourrait-elle prétendre engager des forces armées alors qu’elle ne bénéficie pas de la même représentation au sein des instances internationales (ONU par exemple) que celle dont bénéficie les Etats membres ? La question est néanmoins primordiale, l’UE ne saurait prétendre de la protection de l’OTAN indéfiniment, pour des raisons de souveraineté, elle doit se doter de moyens propres à assurer sa défense. Les dissensions entre Emmanuel Macron et Donal Trump à ce sujet illustrent le nécessaire besoin d’indépendance des Etats européens en ce domaine. La rétrogradation du statut des diplomates de l’UE aux Etats-Unis confirme la nécessité absolue pour les Etats membres de se coordonner sur la politique extérieure (https://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN1P21PD-OFRTP).
C’est la raison pour laquelle la nomination d’un représentant commun des Affaires étrangères de l’UE, doté de simples capacités diplomatiques serait une étape forte dans la construction d’une Europe de la défense.
Décembre 2018