L’Europe s’invite au mariage des couples mixtes
Réflexion après les rencontres notariales internationales
organisées à Lyon par le notariat français (fin 2018)
Chloé de Planchard
Etudiante en L3 droit privé – Collège de Droit
Faculté de Droit – Université Jean Moulin Lyon 3
Les citoyens européens, vivant en couple mixte, c’est-à-dire composé d’un(e) Français(e) et d’un(e) non-Français(e), au moins l’un d’eux vivant en dehors de leur État d’origine sont souvent démunis pour savoir quel est le régime juridique qui leur est applicable.
Les rencontres notariales organisées à Lyon ont réuni beaucoup de participants, notamment allemands et néerlandais, ce qui montre l’intérêt des européens pour notre système juridique dont ils se sentent à la fois ignorants et concernés. Leurs principales interrogations portent sur les régimes matrimoniaux entre la France et leur pays d’origine. Ils se demandent si les droits garantis par le contrat de mariage, que sont la stabilité et la sécurité juridique, sont protégés. Mais il a aussi été question de conflit de règles de droit : quelle règle s’applique, laquelle est la plus avantageuse…, donc des questions pertinentes que la plupart des européens se posent. Ces rencontres sont ainsi au service des familles.
Le droit de la famille est le droit qui comporte le plus d’éléments d’extranéité.
– Au niveau interne, tout d’abord : aujourd’hui, un mariage sur sept célébrés en France est mixte. Ce phénomène est en constant accroissement tout comme les problèmes juridiques qui l’accompagnent. C’est dans cette idée que, le 4 février 2010, a été signé entre l’Allemagne et la France un accord instituant un nouveau régime matrimonial : le régime optionnel de la participation aux acquêts. En effet, les mariages franco-allemands se développent de plus en plus et le régime matrimonial légal allemand, qui est celui de la participation aux acquêts, est différent de celui du droit français, le régime de la communauté réduite aux acquêts. Ainsi, le régime optionnel, même s’il se rapproche du droit allemand inclut tout de même des spécificités du droit français pour regrouper au mieux les deux droits.
– Au niveau externe : le mariage entre un(e) Français(e) et un(e) non-Français(e) à l’étranger est tout aussi compliqué. Le mariage doit être célébré par l’ambassadeur ou le consul de France. Cependant, l’autorité française n’a cette compétence que dans quatorze pays dans le monde.
Une évolution sur les régimes matrimoniaux a été entreprise le 24 juin 2016 avec l’adoption de nouveaux règlements européens. Désormais, le choix de la loi applicable à un régime matrimonial peut se faire entre la loi de l’État de résidence habituelle de l’un des futurs époux, et la loi nationale de l’autre. Toutefois, malgré cela, il reste de nombreuses incertitudes. C’est pourquoi Pierre Tarrade, notaire et rapporteur général du congrès des notaires de France, Famille et Patrimoine à l’international, le notariat face aux enjeux de la mobilité internationale, qui a eu lieu à Bruxelles en juin dernier, soutient la nécessité d’adopter un code de droit international privé français afin de remédier aux conflits de lois et de juridictions. Il rappelle que « la France est un des derniers systèmes de droit moderne à n’avoir toujours pas adopté une telle codification ».
L’Europe doit permettre aux citoyens de choisir sans contrainte son lieu de résidence et son système juridique. On pense au poème de Charles Baudelaire L’invitation au voyage :
« Mon enfant, ma sœur
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble ! »
Robert Schumann, père fondateur de l’Europe avec Jean Monnet, a, dans sa sagesse et sa créativité, bien défini la démarche innovatrice de l’Europe : « l’Europe se cherche. Elle sait qu’elle a entre ses mains son propre avenir. Jamais elle n’a été si près du but. Qu’elle ne laisse pas passer l’heure de son destin, l’unique chance de son salut. »
Septembre 2019